16 Oct 2020
L' Auditorium Theo Angelopoulos | |
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19:00 - 21:00 |
Conference Éric Fassin «Le sexe en migration»
Après un focus en 2019 sur les inégalités, éducatives tout autant qu’économiques et politiques, dans le cadre de son cycle « Pensée contemporaine », l’Institut français de Grèce approfondit en 2020 ces questions par une réflexion sur les droits humains, et plus spécifiquement sur les frontières et sur les processus de migrations. Ce champ particulier des droits de l’homme, à l’épreuve des frontières et des migrations, l’Institut français a choisi de l’envisager par le prisme du genre et plus précisément de la place des femmes et des communautés LGBTI dans ces processus. Alors que le discours médiatique sur les migrations se concentre sur les hommes et notamment les jeunes adultes, les migrations et les frontières tendent à être envisagées comme un objet de réflexion de manière universelle, le statut de migrant(e) ou réfugié(e) étant perçu comme une expérience unique, commune à toutes les personnes déplacées. Or, devant les frontières et au sein des processus migratoires, force est de constater que toutes et tous ne sont pas égaux. Le fil conducteur du cycle « Genre et migration » consiste à mettre en avant, dans les processus migratoires des femmes et des personnes LGBTI, la place qui leur est faite et la place qu’ils et elles s’y font. En Europe, les migrations ont longtemps été pensées, implicitement ou explicitement, au masculin. Il s’agissait d’une immigration de travail, en particulier dans l’industrie, pour des hommes célibataires ou du moins seuls. Deux éléments sont venus renouveler les logiques migratoires : d’une part, le regroupement familial ; d’autre part, la migration de travail des femmes, en particulier dans les métiers du care. En outre, depuis les années 2000, un nouveau discours politique met l’accent sur la dimension sexuelle de la migration : le « conflit des civilisations » a été reformulé comme une opposition entre des cultures sexuelles. La frontière entre « les autres » et « les nôtres » passerait par la démocratie sexuelle : « eux » seraient ainsi définis par le sexisme et l’homophobie, tandis que « nous » aurions toujours déjà été féministes et gay-friendly. Ce discours n’est pas la vérité des choses ; toutefois, il a un impact dans la réalité – à la fois dans les dispositifs juridiques de l’asile, et dans les subjectivités migrantes. Deux exemples l’illustrent : le conjoint étranger est sommé de prouver la vérité de son amour ; de l’autre, les personnes qui réclament l’asile en raison de persécutions liées au sexe, au genre, et surtout à la sexualité, qui doivent établir la preuve de leur identité sexuelle. Éric Fassin est professeur à l’université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis (département d’études de genre et département de science politique) et chercheur au LEGS (Laboratoire d’études de genre et de sexualité, CNRS). Il est également professeur invité à l’Université de Genève et à l’Université de Barcelone. Sociologue engagé dans le débat public, il travaille en particulier sur la politisation des questions sexuelles et raciales et donc sur l’intersectionnalité, mais aussi sur la démocratie, le populisme et les minorités. Co-auteur des quatre volumes sur la politique d’immigration française publiés par le collectif Cette France-là (2009-2012), il a notamment publié Le sexe politique. Genre et sexualité au miroir transatlantique, (éd. EHESS, 2009), Démocratie précaire. Chroniques de la déraison d’État (La Découverte, 2012), Gauche : l’avenir d’une désillusion (Textuel, 2014) et Populisme : le grand ressentiment (Textuel, 2017 ; traductions en turc, espagnol, allemand, italien, portugais – et à paraître : anglais). En préparation : Le genre français (La Découverte, 2020).
SpeakerÉric Fassin
Professeur à l’université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis (département d’études de genre et département de science politique) et chercheur au LEGS, CNRS |